PROJET PEDAGOGIQUE
« DECOMPOSITION, IMAGE ET MOUVEMENT »
« Composition », emprunté du latin classique, composito de « componere » poser, mettre avec, action de mettre ensemble, en parlant de choses physiques ou morales. Poser une charpente, les fondations d’un édifice ou encore placer la figure dans l’attitude la plus favorable. « Décomposition », dimension scientifique et artistique, décomposer du sang, du trait, séparer les éléments, décortiquer, déstructurer, désapprendre pour réapprendre. Partir du vide pour aller vers le plein, du négatif vers le positif, de la masse au trait, de la 2D à la 3D. « Muscler son œil », aller-retour entre la page et le modèle. Reconstituer un corps avec de la matière papier, l’animer. Retranscrire de la lumière, un corps en facettes, en variations de tons colorés. Donner un mouvement au dessin, donner une matière, une texture, une tension. Décomposer c’est créer des successions, découper le temps, les poses, le rythme de la main. Retravailler la matière temporelle, la répétition, la fluidité. Créer de nouvelles narrations, de nouveaux points de vue. Cadrer, recadrer, décadrer et créer un nouvel espace, pour trouver son écriture personnelle.
« Décomposition, image et mouvement » remplace dans les grilles de cours d’Arts2 le cours de « Dessin : Modèle vivant ». En fait, il en reprend les missions et les élargit. Le cours de Décomposition doit être une appropriation sensible de la technique, un laboratoire de recherches. Dessiner la morphologie humaine nécessite une approche soutenue par la connaissance de l’anatomie, même si on aura tout le loisir de s’en dégager, après. Au-delà de la maîtrise des proportions et de la représentation d’un corps dans l’espace, c’est l’expression d’une sensibilité individuelle qui est demandée. Dessiner le corps humain est ce qu’il y a de plus complexe, mais grâce à une simplicité de moyens, il reste la manière la plus directe de retranscrire visuellement un corps. Articulation entre composition, décomposition et recomposition, questionner le rapport à l’image et au mouvement, ainsi que le mouvement de l’image, par le regard.
Le cours de Décomposition, image et mouvement s’adresserait aux niveaux Bloc 1 (toutes options sauf architecture), aux PE2 et PE3 (peinture et gravure), et à tout élève qui voudraient renforcer ses pratiques personnelles par le CASO.
DIVERSIFIER, EXPERIMENTER et STRUCTURER sont les étapes essentielles de travail pour des étudiants de Bloc 1. Il est primordial, dans un 1er temps, d’interroger le réel, de développer son sens de l’observation et d’être curieux du monde. En fonction de la durée des poses, l’étudiant apprendra à choisir sa technique et à saisir de manière personnelle en quelques traits, formes et expressions, la PRESENCE du modèle. Le dessin est plus qu’une représentation, c’est aussi une ligne, une tâche, une trace laissée par un outil. Le rôle de l’enseignant est d’offrir à l’étudiant un éventail de possibilités, de varier les exercices, par différentes matières et supports pour parvenir à la compréhension des enjeux de la représentation d’un corps en mouvement.
Le cours de « Décomposition, image et mouvement » développera un axe par quadrimestre, c’est-à-dire 1erquadrimestre : « Décomposition de l’image » et 2ème quadrimestre : « Décomposition du mouvement ». Dans la progression du travail, pour décomplexer l’étudiant, je proposerais d’utiliser d’abord une découpe de silhouette, un dessin aux ciseaux, (en référence aux « Gouaches découpées » de Matisse). Utiliser un outil large et progressif, de LA MASSE AU TRAIT, le plus différent de celui du stylo ou crayon, dans le but de bousculer les systématismes. Par le travail de découpe, ou de touches de papier, on pourra décomposer le corps en volume et en lumière. Pour le 2èmequadrimestre, les étudiants dessineront le corps en action, circulation d’un corps et d’un trait en mouvement, entre chorégraphie de la main et espace vivant de la page.
Les compétences demandées aux PE2 et PE3 sont multiples : être capable de mettre en question, d’argumenter sa démarche et ses choix, de se positionner vis-à-vis de l’histoire de l’Art mais aussi, de l’actualité dans le monde contemporain. L’étudiant ou le futur artiste sera toujours amené à justifier son travail par un esprit critique. Il doit enfin, prendre conscience qu’il est un acteur du monde.
Pour le 1er quadrimestre, on développera la « Décomposition d’un corps accordéon » articulation et squelette du dessin, à la fois l’espace du corps et le corps dans l’espace. Pour le 2ème quadrimestre, le corps deviendra support de l’œuvre, d’un message, d’une action, entre performance et banalité du quotidien : « Un corps politique et poétique».
Comme je l’ai introduit dans ma lettre de motivation, la décomposition est une esthétique du déplacement, à une époque dite « post moderne », une pratique du décadrage, détournement de l’héritage artistique et reprise ou invention de nouveaux sujets. Le CASO est un cours facultatif, ouvert à tous les étudiants, un public aux attentes très diverses concernant la pratique du dessin. Il est donc important de créer « des passerelles » entre eux et la matière. Je leur propose de venir chacun avec une reproduction d’œuvre qu’ils affectionnent particulièrement. Chacun d’entre eux, au fur et à mesure, organisera la séance, la scénographie et les étapes de travail afin de réaliser un « remake de leur œuvre en 3 dimensions ».
Deux types d’évaluation : L’enseignant doit pouvoir évaluer les capacités de chaque étudiant, soit dans l’endurance : par contrôle continu à chaque séance, soit par un travail personnel à la maison : à rendre chaque semestre. Il s’agit là d’une série de 30 dessins (un dessin par jour) aux thèmes imposés, par exemple : Autoportrait « Je est un autre », Décomposition du mouvement « poésie du quotidien », étude de matière : « textures et textiles », dessin « d’intérieur et d’extérieur » café, gare, marché… L’important est d’estimer les marges de progression de chacun, tous les étudiants ne partent pas avec le même niveau d’expérience. Savoir dessiner demande un grand sens de l’observation, un goût de l’effort et de l’endurance et une gestion du rythme. La fréquentation au cours et la motivation sont également des facteurs d’évaluation importants pour progresser ensemble. Il est essentiel que l’étudiant ne se fige pas, qu’il accepte ses « monstres », mauvais dessins. Il doit prendre des risques et dépasser certains a priori ou stéréotypes (génération Manga). L’étudiant est amené à faire une série de choix et se remettre en question vis-à-vis de lui-même et de son travail. Afin d’acquérir une certaine autonomie matérielle et intellectuelle.
La séance de « Décomposition, image et mouvement » s’ouvre avec la lecture d’un Abécédaire, constitué de mots techniques et poétiques qui viennent nourrir les étudiants. Il se constitue au fur et à mesure des notions abordées. Ensuite la consigne est donnée, pour les deux semaines à venir concernant un support et une technique, avec 5 ou 6 références d’artistes classiques ou contemporains ayant travaillé le sujet. Rencontrer sa famille d’artistes est un parcours essentiel dans sa formation et tout au long de sa vie.
Manon Bara
« Composition », emprunté du latin classique, composito de « componere » poser, mettre avec, action de mettre ensemble, en parlant de choses physiques ou morales. Poser une charpente, les fondations d’un édifice ou encore placer la figure dans l’attitude la plus favorable. « Décomposition », dimension scientifique et artistique, décomposer du sang, du trait, séparer les éléments, décortiquer, déstructurer, désapprendre pour réapprendre. Partir du vide pour aller vers le plein, du négatif vers le positif, de la masse au trait, de la 2D à la 3D. « Muscler son œil », aller-retour entre la page et le modèle. Reconstituer un corps avec de la matière papier, l’animer. Retranscrire de la lumière, un corps en facettes, en variations de tons colorés. Donner un mouvement au dessin, donner une matière, une texture, une tension. Décomposer c’est créer des successions, découper le temps, les poses, le rythme de la main. Retravailler la matière temporelle, la répétition, la fluidité. Créer de nouvelles narrations, de nouveaux points de vue. Cadrer, recadrer, décadrer et créer un nouvel espace, pour trouver son écriture personnelle.